Manifestations anti-Japon

Avec plusieurs mois de retard, voici quelques photos et vidéos des manifestations anti-Japon qui se sont déroulées à Pékin courant septembre. Pour le coup, on ne peut pas dire que je traite le sujet à chaud, mais vu que maintenant tout le monde s'en fout, je pense que je peux traiter le sujet sans vraiment craindre la censure.

Tout a commencé un jeudi matin, exceptionnellement je n'ai pas pris mon vélo et je suis allée bosser en bus car je devais avoir prévu un truc le soir et ça ne m'arrangeait pas de trainer mon vélo là ou j'allais. Sauf que mon bus a été détourné, la route qui mène au bureau étant barrée. Travaux ? Convoi exceptionnel ? Visite de VIP ???? Pas une seconde je n'imagine qu'il y a une manifestation dans le secteur, les manifestations étant interdites en Chine.

Pourtant à première vue, ce défilé ressemble quand-même à une manif !

Une manifestation en Chine, c'est tellement improbable qu'il faut un petit moment pour comprendre ce qu'il se passe. En fait les manifestations "spontanées" étant interdites, celles qui sont autorisées sont en fait orchestrées par les autorités. Et comme ces manifestations ne peuvent être dirigées contre les autorités elles-mêmes, elles ont forcément pour cible un ennemi qui fait l'unanimité dans tous les milieux, un ennemi facile que l'on peut rendre coupable de tous les maux de la Chine, un ennemi a qui l'on n'a pas encore pardonné les horreurs du passé : le Japon.

Les évenements datent un peu, alors j'ai oublié certains détails. J'essaie cependant de rassembler un maximum de souvenirs, pour vous livrer ce qui m'a marqué à l'époque.

Ces clichés ont été pris sur plusieurs jours, car les manifestations ont duré une bonne grosse semaine. Elles étaient chaque jour plus bruyantes. On ne peut pas dire que les manifestants étaient super nombreux, en fait ils faisaient des aller-retour, sur 500 mètres environ, au pied de l'ambassade du Japon. A Paris les manifs passent par des points stratégiques et traversent la ville. Là vous pouvez imaginer le dernier jour du Tour de France, quand les cyclistes remontent et redescendent 10 fois l'Avenue des Champs Elysées. Et bien les manifestations anti Japon c'était un peu comme ça, sauf que les cyclistes étaient des piétons, que les Champs Elysées étaient une grande avenue de Pékin assez éloignée du centre historique de la ville. Et à la place des supporters parisiens, il y avait des policiers. Comme il y a plus de supporters que de cyclistes sur les Champs, il y avait plus de policiers que de manifestants à Pékin.

En plus des policiers, tous les 1 mètre environ, il y avait des "volontaires". Des hommes et des femmes de tous ages, recrutés on ne sait comment par on ne sait qui, pour maintenir l'ordre public. J'avais déjà vu quelques volontaires de ce genre le samedi devant les supermarchés. A l'époque j'avais été marquée par le grand age des volontaires, a priori des retraités qui rendaient service bénévolement à leur pays et qui évitaient aux chaines de supermarchés d'engager des vigiles. Là on l'occurence les volontaires avaient l'air d'être nourris en échange de leur présence.

La rue qui mène aux ambassades de France, des USA et d'Israël était fermée à la circulation. Pas concernées, mais hyper paranoïaques (on peut comprendre pourquoi même si elles ne risquent pas grand chose en Chine), ces deux dernières ambassades sont particulièrement sensibles et très protégées.

Vue d'en haut ... on a parfois l'impression que les manifestants étaient super nombreux, en fait ils faisaient leur tour de manifestation en boucle, sur une distance assez réduite. C'étaient donc les mêmes manifestants qui repassaient systématiquement aux mêmes endroits.

A suivre quelques vidéos. Comme je ne travaille pas très loin, et que ces manifestations étaient très bruyantes, je reconnais que si l'opération a été distrayante au début, elle est vite devenue chiante. D'un point de vue sonore, on avait l'impression d'être dans un supermarché, avec un type ou une nana qui annonce les promotions, accompagné d'une musique à vous rendre fou.

Je n'ai pas encore parlé du pourquoi du comment de ces manifestations anti-Japon. Vous l'avez probablement lu dans la presse à l'époque, mais pour faire court, la Chine et le Japon se disputent depuis un bail des îles situées en mer de Chine, à proximité de Taiwan. D'ailleurs Taiwan les revendique aussi, mais bon comme la plupart des pays ne reconnaissent pas l'indépendance de Taiwan, on part du principe que Taiwan c'est aussi la Chine (ben oui on se fache avec les moins nombreux, c'est moins dangereux). Et en septembre les chinois ont manifesté en réaction à ce qui a été considéré comme une provocation japonaise. Le maire de Tokyo est assez nationaliste dans son genre, et il avait un projet pour ces îles, un projet qui risquait de mettre le feu aux poudres, alors pour calmer le jeu, l'Etat japonais a décidé de racheter ces îles. Mais au lieu de calmer les choses, cette opération a exarcerbé le sentiment nationaliste et anti-japonais des chinois. Ils ont probablement été un peu poussés. A quelques mois du congrès du PCC, et entre 2 affaires de corruption, le gouvernement avait tout intérêt à détourner un peu l'attention de la population, et quand il s'agit du Japon, il ne faut pas les pousser beaucoup les Chinois. La guerre qui a opposé la Chine au Japon a été particulièrement douloureuse pour les chinois, et on peut légitimement comprendre que les générations qui l'ont vécue ou qui sont arrivées peu après soient toujours animées par des sentiments de vengeance, de colère, de haine ...mais les manifestants étaient en grande majorité des jeunes désoeuvrés, à priori manipulés et endoctrinés, et très violents dans leurs propos. Les manifestations se sont déroulées avec plus ou moins de violence dans de nombreuses villes de Chine, quelques jours avant et après l'anniversaire du tristement célèbre siège de Nankin (qui s'est terminé par le massacre de Nankin).